Arabophilie ou arabisme !
par Yazid Haddar
par Yazid Haddar
« Ce n'est pas l'occidentalisation qui fait perdre aux Arabes leur culture, mais c'est la culture arabe qui cède la place à une occidentalisation ».
Il semble que la question linguistique est toujours d'actualité en Algérie. Le problème d'identité n'est pas encore réglé. Dans une tribune publiée dans «Chorouk Yaoumi» daté du 24 septembre 2008, le président de l'association pour la défense de la langue arabe en Algérie, M. Othmane Sadi, a réagi violemment à un article et à un édito publiés respectivement le 4/09 et le 26/08/08 dans le quotidien El Watan. L'auteur confond l'Histoire et le statu quo linguistique algérien. En outre, il me semble qu'il est déconnecté de la réalité linguistique mondiale. Comment expliquer son acharnement contre la langue française et les francophones algériens ? Pourquoi les traite-t-il de renégats et de communistes ? Etc. L'auteur de l'article ne s'est pas arrêté au lynchage gratuit et sans fondement; il est allé plus loin en niant le rôle joué par des élites (francophones) au cours de la guerre de libération nationale ! Son analyse est superflue et sans argument fiable.
J'ai bien lu les deux articles en question et je m'excuse, M. Sadi, aucun des deux auteurs n'avait traité les arabophones de diaboliques, ni les francophones d'angéliques. Bien au contraire, ils dénoncent l'arabisation irréfléchie menée par les autorités algériennes depuis l'indépendance de l'Algérie, malgré les signaux d'alarme des spécialistes en la matière. Car l'utilisation de la langue est politisée et dogmatisée, elle n'a rien de pédagogique et de pragmatique. Elle a été vidée de sa substance scientifique. Le résultat, vous pouvez vous-même le constater: nos jeunes n'arrivent guère à parler ni l'arabe algérien, ni l'arabe classique, ni le berbère, ni le français correctement. Ils sont déchirés.
Contradictoirement, je vous invite à aller en Tunisie pour constater vous-même que l'enseignement de l'arabe est soumis à des règles pédagogiques, loin du sentimentalisme patriotique et de revendication identitaire obscure. Bourguiba a compris l'importance de la langue et aussi il été très avant-gardiste dans ses démarches. Le résultat: le système éducatif tunisien est le plus performant en Afrique du Nord. Dans les années soixante-dix, les universités algériennes étaient de même niveau que les universités européennes. Elles accueillaient des étudiants de plusieurs pays, y compris des Tunisiens. A vous de constater maintenant, prenez un peu de votre temps pour sortir de votre bureau pour parler au jeunes étudiants ! Le débat entre arabophones et francophones, à mon avis, est épuisé et n'est plus d'actualité. Car la génération d'après l'indépendance est bilingue, sauf les personnes qui ont fait le choix d'exil. Néanmoins, la nouvelle génération est de majorité arabophone. La preuve, le ministre de l'Education nationale cherche désespérément des enseignants en langue française et le nombre de candidats au concours est vraiment symbolique. C'est l'une des raisons qui a mis en retard «les nouvelles réformes».
Ainsi, je pense que le débat de O. Sadi ne peut avoir lieu, car la langue ne pose plus de problème aux Algériens: même les plus radicaux des francophones se sont mis à l'apprentissage de la langue arabe. Cependant, M. Sadi ferait mieux d'exposer les lacunes pédagogiques de l'enseignement de la langue arabe et de lui trouver des solutions dans un espace, d'une part au niveau national et d'autre part au niveau maghrébin et arabe. Je propose quelques pistes de réflexion pour sortir de la rigidité linguistique, qui n'arrive pas à dépasser la dimension historique. Pourquoi la langue arabe n'arrive pas à s'adapter à l'évolution des terminologies scientifiques ? Jusqu'à nos jours, il n'existe pas une institution qui rassemble une communauté scientifique pour se pencher sur la place de la langue arabe dans l'espace linguistique arabe. Comment unifier la terminologie arabe ? Comment trouver un consensus commun entre tous les pays arabophones afin de publier un dictionnaire arabe-arabe chaque année, en prenant en considération les nouveaux mots qui apparaissent dans l'ensemble des pays arabes ? Comment arriver à dissocier la langue arabe de la religion musulmane ? Quelle est la place des autres langues dans les pays arabophones ? Quelles sont les places des autres cultures dans les pays arabophones ? Comment dissocier l'identité arabophone d'une culture autochtone, sans le jugement et le reniement ? Pourquoi les textes en langue arabe n'incitent guère à la lecture ? Pourquoi les pays arabes n'arrivent pas instaurer des institutions actives dans les traductions ? (1). Pourquoi les livres publiés en arabe sont souvent une suite à la pensée religieuse ? Il n'y a pas de place à la pensée critique ! Etc. C'est l'ensemble des questions auxquelles tous les pays arabes devraient réfléchir avec lucidité, sans tomber dans le lynchage gratuit et aussi prisonnier d'une rigidité linguistique et surtout historique.
1) A ce propos, Israël traduit 5 fois plus que tous les pays arabes !
Ghalioun.
Il semble que la question linguistique est toujours d'actualité en Algérie. Le problème d'identité n'est pas encore réglé. Dans une tribune publiée dans «Chorouk Yaoumi» daté du 24 septembre 2008, le président de l'association pour la défense de la langue arabe en Algérie, M. Othmane Sadi, a réagi violemment à un article et à un édito publiés respectivement le 4/09 et le 26/08/08 dans le quotidien El Watan. L'auteur confond l'Histoire et le statu quo linguistique algérien. En outre, il me semble qu'il est déconnecté de la réalité linguistique mondiale. Comment expliquer son acharnement contre la langue française et les francophones algériens ? Pourquoi les traite-t-il de renégats et de communistes ? Etc. L'auteur de l'article ne s'est pas arrêté au lynchage gratuit et sans fondement; il est allé plus loin en niant le rôle joué par des élites (francophones) au cours de la guerre de libération nationale ! Son analyse est superflue et sans argument fiable.
J'ai bien lu les deux articles en question et je m'excuse, M. Sadi, aucun des deux auteurs n'avait traité les arabophones de diaboliques, ni les francophones d'angéliques. Bien au contraire, ils dénoncent l'arabisation irréfléchie menée par les autorités algériennes depuis l'indépendance de l'Algérie, malgré les signaux d'alarme des spécialistes en la matière. Car l'utilisation de la langue est politisée et dogmatisée, elle n'a rien de pédagogique et de pragmatique. Elle a été vidée de sa substance scientifique. Le résultat, vous pouvez vous-même le constater: nos jeunes n'arrivent guère à parler ni l'arabe algérien, ni l'arabe classique, ni le berbère, ni le français correctement. Ils sont déchirés.
Contradictoirement, je vous invite à aller en Tunisie pour constater vous-même que l'enseignement de l'arabe est soumis à des règles pédagogiques, loin du sentimentalisme patriotique et de revendication identitaire obscure. Bourguiba a compris l'importance de la langue et aussi il été très avant-gardiste dans ses démarches. Le résultat: le système éducatif tunisien est le plus performant en Afrique du Nord. Dans les années soixante-dix, les universités algériennes étaient de même niveau que les universités européennes. Elles accueillaient des étudiants de plusieurs pays, y compris des Tunisiens. A vous de constater maintenant, prenez un peu de votre temps pour sortir de votre bureau pour parler au jeunes étudiants ! Le débat entre arabophones et francophones, à mon avis, est épuisé et n'est plus d'actualité. Car la génération d'après l'indépendance est bilingue, sauf les personnes qui ont fait le choix d'exil. Néanmoins, la nouvelle génération est de majorité arabophone. La preuve, le ministre de l'Education nationale cherche désespérément des enseignants en langue française et le nombre de candidats au concours est vraiment symbolique. C'est l'une des raisons qui a mis en retard «les nouvelles réformes».
Ainsi, je pense que le débat de O. Sadi ne peut avoir lieu, car la langue ne pose plus de problème aux Algériens: même les plus radicaux des francophones se sont mis à l'apprentissage de la langue arabe. Cependant, M. Sadi ferait mieux d'exposer les lacunes pédagogiques de l'enseignement de la langue arabe et de lui trouver des solutions dans un espace, d'une part au niveau national et d'autre part au niveau maghrébin et arabe. Je propose quelques pistes de réflexion pour sortir de la rigidité linguistique, qui n'arrive pas à dépasser la dimension historique. Pourquoi la langue arabe n'arrive pas à s'adapter à l'évolution des terminologies scientifiques ? Jusqu'à nos jours, il n'existe pas une institution qui rassemble une communauté scientifique pour se pencher sur la place de la langue arabe dans l'espace linguistique arabe. Comment unifier la terminologie arabe ? Comment trouver un consensus commun entre tous les pays arabophones afin de publier un dictionnaire arabe-arabe chaque année, en prenant en considération les nouveaux mots qui apparaissent dans l'ensemble des pays arabes ? Comment arriver à dissocier la langue arabe de la religion musulmane ? Quelle est la place des autres langues dans les pays arabophones ? Quelles sont les places des autres cultures dans les pays arabophones ? Comment dissocier l'identité arabophone d'une culture autochtone, sans le jugement et le reniement ? Pourquoi les textes en langue arabe n'incitent guère à la lecture ? Pourquoi les pays arabes n'arrivent pas instaurer des institutions actives dans les traductions ? (1). Pourquoi les livres publiés en arabe sont souvent une suite à la pensée religieuse ? Il n'y a pas de place à la pensée critique ! Etc. C'est l'ensemble des questions auxquelles tous les pays arabes devraient réfléchir avec lucidité, sans tomber dans le lynchage gratuit et aussi prisonnier d'une rigidité linguistique et surtout historique.
1) A ce propos, Israël traduit 5 fois plus que tous les pays arabes !