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Pendant le dernier Festival de Cannes, Béatrice, une jeune actrice parisienne, s'est promenée inlassablement dans le Palais, sur la plage, dans les rues et les bars de la ville, avec à la main son téléphone mobile équipé d'une minicaméra et d'un micro intégrés. Jour et nuit, elle tournait des séquences vidéo de ses rencontres, puis les envoyait vers Internet, pour une diffusion presque en temps réel : on pouvait quasiment la suivre à la trace. Quand elle voulait apparaître sur l'image, elle confiait son téléphone à un passant et lui demandait de la filmer pendant une minute. En deux semaines, elle a ainsi diffusé près de 300 séquences.
Béatrice était en mission pour le site Seesmic.com, un nouveau réseau social en images. Comme sur un forum classique, on vient sur Seesmic pour discuter, se faire des amis et créer des communautés. Et tout cela intégralement en vidéo. D'autant plus facilement qu'aujourd'hui, la production vidéo amateur est à la portée de tous : même le PC portable le moins cher du marché (299 euros) possède une petite caméra logée dans un coin de l'écran.
Seesmic, en phase expérimentale, attire des jeunes branchés et des technophiles, mais aussi des retraités. Son créateur, Loïc Le Meur, 36 ans, entrepreneur du Net français installé à San Francisco, explique pourquoi son site séduit toutes les générations : "Tu ouvres Seesmic et, aussitôt, tu vois des amis qui te sourient et te font signe, tu entends des voix connues qui t'interpellent. C'est autre chose qu'une page de texte." Seesmic est appelé à se "cloner", car Loïc Le Meur est en pourparlers avec de grands sites communautaires comptant des millions de membres. S'il réussit à leur vendre son procédé, ils basculeront rapidement dans la communication vidéo intégrale.
En coulisses, la vidéo complique le fonctionnement de l'Internet. Mais pour l'utilisateur final, elle restaure au contraire le mode d'expression le plus naturel et le plus spontané : voir et entendre, parler, faire des mimiques, montrer le décor alentour... Incidemment, elle ouvre l'Internet aux milliards d'hommes et de femmes pour qui l'écriture sur clavier est une activité complexe ou inhabituelle.
Historiquement, la vidéo a eu du mal à s'implanter sur la Toile : ses fichiers étaient trop lourds pour les connexions à bas débit des particuliers. Or la généralisation du haut débit est en train de résoudre le problème. L'essentiel du trafic est déjà composé de fichiers audio-vidéo, notamment à cause des jeux en ligne et des réseaux de partage de musique et de films. Sans parler des innombrables sites érotiques payants, qui ont de quoi investir dans l'innovation en matière d'images.
Si cette tendance se confirme, la primauté de l'écrit sur Internet n'aura donc été que la conséquence de l'insuffisance passagère du débit. Déjà, les sites de vidéos amateurs de type YouTube s'imposent parmi les lieux les plus fréquentés du Net. Les réseaux sociaux comme Facebook et MySpace sont envahis par les images, les chaînes de télévision américaines ont commencé à diffuser leurs séries de fiction sur Internet, les systèmes de téléphonie y proposent des services de vidéophonie et de téléconférence. Les grands sites d'information se mettent à produire leurs propres images. Même chose pour les encyclopédies, ainsi que les sites publiant des modes d'emploi et des conseils pratiques : on n'explique plus comment tailler un rosier ou démonter un carburateur, on le montre.
Ce n'est qu'un début, car l'"ultra-haut débit" arrive. Le consortium américain Internet 2, qui regroupe des agences fédérales, des laboratoires, des entreprises et des universités, achève la mise au point d'un nouveau mode de transmission, baptisé DCN (Dynamic Circuit Network). Un PC ordinaire, capable aujourd'hui de recevoir deux canaux vidéo en simultané, pourrait en recevoir plus de 4 000 s'il était connecté par DCN. Au lieu de prendre trois heures, le téléchargement d'un film long métrage prendra cinq secondes. Dans un premier temps, le procédé sera réservé aux centres de recherche et aux universités, mais le grand public devrait en bénéficier assez rapidement. D'autres laboratoires envisagent de supprimer les goulets d'étranglement qui ralentissent le trafic en créant, parallèlement au réseau existant, une architecture horizontale et décentralisée inspirée des réseaux de partage de musique.
Pour désigner ce nouvel Internet éclaté et rempli d'images, les Californiens ont déjà inventé un concept : ils l'appellent the Cloud ("le Nuage"). Pour revoir le même clip vidéo dix fois par jour, il ne sera plus nécessaire de le télécharger et de le stocker dans un appareil. Il suffira de se connecter à un moteur de recherche, qui se chargera de le repérer. En fait, le clip ne se trouve dans aucun lieu en particulier, il est dans le Nuage : de nombreux serveurs en contiennent une copie, stable ou temporaire, et le moteur ira le chercher à chaque fois dans un endroit différent, sans que l'internaute s'en aperçoive.
Les concepteurs des grands moteurs de recherche ayant compris que la vidéo allait prendre une place prépondérante, ils ont commencé à s'adapter. Grâce à une recherche par mots-clés, Google et Yahoo! permettent déjà de retrouver une séquence vidéo. Mais, dans ce secteur d'avenir, ils se retrouvent face à des concurrents plus spécialisés et innovants. Ainsi, SeeqPod.com, start-up de la banlieue de San Francisco, propose un moteur fonctionnant grâce à des algorithmes "bio-mimétiques", qui reproduisent le processus de recherche du cerveau humain par associations d'idées, bien plus puissants que la recherche par mot-clé.
Son concepteur et patron, Shekhar Lahda, résume son invention en une formule : "Si je tape le mot "ciel", SeeqPod va lui associer le mot "bleu". Ce principe est applicable à n'importe quel domaine. Pour le faire connaître très vite dans le monde entier, nous avons choisi la musique et les vidéos musicales." Après avoir retrouvé la séquence, SeeqPod la diffuse grâce à un lecteur vidéo qui s'affiche sur la page Web de l'utilisateur. Prochaine étape : la start-up va s'attaquer à tous les types de vidéos, notamment les reportages. En attendant, sa base de données contient déjà plus de 12 millions de liens vers des fichiers audio-vidéo, et en repère en moyenne un nouveau par seconde.Yves Eudes (San Francisco, envoyé spécial)
Pendant le dernier Festival de Cannes, Béatrice, une jeune actrice parisienne, s'est promenée inlassablement dans le Palais, sur la plage, dans les rues et les bars de la ville, avec à la main son téléphone mobile équipé d'une minicaméra et d'un micro intégrés. Jour et nuit, elle tournait des séquences vidéo de ses rencontres, puis les envoyait vers Internet, pour une diffusion presque en temps réel : on pouvait quasiment la suivre à la trace. Quand elle voulait apparaître sur l'image, elle confiait son téléphone à un passant et lui demandait de la filmer pendant une minute. En deux semaines, elle a ainsi diffusé près de 300 séquences.
Béatrice était en mission pour le site Seesmic.com, un nouveau réseau social en images. Comme sur un forum classique, on vient sur Seesmic pour discuter, se faire des amis et créer des communautés. Et tout cela intégralement en vidéo. D'autant plus facilement qu'aujourd'hui, la production vidéo amateur est à la portée de tous : même le PC portable le moins cher du marché (299 euros) possède une petite caméra logée dans un coin de l'écran.
Seesmic, en phase expérimentale, attire des jeunes branchés et des technophiles, mais aussi des retraités. Son créateur, Loïc Le Meur, 36 ans, entrepreneur du Net français installé à San Francisco, explique pourquoi son site séduit toutes les générations : "Tu ouvres Seesmic et, aussitôt, tu vois des amis qui te sourient et te font signe, tu entends des voix connues qui t'interpellent. C'est autre chose qu'une page de texte." Seesmic est appelé à se "cloner", car Loïc Le Meur est en pourparlers avec de grands sites communautaires comptant des millions de membres. S'il réussit à leur vendre son procédé, ils basculeront rapidement dans la communication vidéo intégrale.
En coulisses, la vidéo complique le fonctionnement de l'Internet. Mais pour l'utilisateur final, elle restaure au contraire le mode d'expression le plus naturel et le plus spontané : voir et entendre, parler, faire des mimiques, montrer le décor alentour... Incidemment, elle ouvre l'Internet aux milliards d'hommes et de femmes pour qui l'écriture sur clavier est une activité complexe ou inhabituelle.
Historiquement, la vidéo a eu du mal à s'implanter sur la Toile : ses fichiers étaient trop lourds pour les connexions à bas débit des particuliers. Or la généralisation du haut débit est en train de résoudre le problème. L'essentiel du trafic est déjà composé de fichiers audio-vidéo, notamment à cause des jeux en ligne et des réseaux de partage de musique et de films. Sans parler des innombrables sites érotiques payants, qui ont de quoi investir dans l'innovation en matière d'images.
Si cette tendance se confirme, la primauté de l'écrit sur Internet n'aura donc été que la conséquence de l'insuffisance passagère du débit. Déjà, les sites de vidéos amateurs de type YouTube s'imposent parmi les lieux les plus fréquentés du Net. Les réseaux sociaux comme Facebook et MySpace sont envahis par les images, les chaînes de télévision américaines ont commencé à diffuser leurs séries de fiction sur Internet, les systèmes de téléphonie y proposent des services de vidéophonie et de téléconférence. Les grands sites d'information se mettent à produire leurs propres images. Même chose pour les encyclopédies, ainsi que les sites publiant des modes d'emploi et des conseils pratiques : on n'explique plus comment tailler un rosier ou démonter un carburateur, on le montre.
Ce n'est qu'un début, car l'"ultra-haut débit" arrive. Le consortium américain Internet 2, qui regroupe des agences fédérales, des laboratoires, des entreprises et des universités, achève la mise au point d'un nouveau mode de transmission, baptisé DCN (Dynamic Circuit Network). Un PC ordinaire, capable aujourd'hui de recevoir deux canaux vidéo en simultané, pourrait en recevoir plus de 4 000 s'il était connecté par DCN. Au lieu de prendre trois heures, le téléchargement d'un film long métrage prendra cinq secondes. Dans un premier temps, le procédé sera réservé aux centres de recherche et aux universités, mais le grand public devrait en bénéficier assez rapidement. D'autres laboratoires envisagent de supprimer les goulets d'étranglement qui ralentissent le trafic en créant, parallèlement au réseau existant, une architecture horizontale et décentralisée inspirée des réseaux de partage de musique.
Pour désigner ce nouvel Internet éclaté et rempli d'images, les Californiens ont déjà inventé un concept : ils l'appellent the Cloud ("le Nuage"). Pour revoir le même clip vidéo dix fois par jour, il ne sera plus nécessaire de le télécharger et de le stocker dans un appareil. Il suffira de se connecter à un moteur de recherche, qui se chargera de le repérer. En fait, le clip ne se trouve dans aucun lieu en particulier, il est dans le Nuage : de nombreux serveurs en contiennent une copie, stable ou temporaire, et le moteur ira le chercher à chaque fois dans un endroit différent, sans que l'internaute s'en aperçoive.
Les concepteurs des grands moteurs de recherche ayant compris que la vidéo allait prendre une place prépondérante, ils ont commencé à s'adapter. Grâce à une recherche par mots-clés, Google et Yahoo! permettent déjà de retrouver une séquence vidéo. Mais, dans ce secteur d'avenir, ils se retrouvent face à des concurrents plus spécialisés et innovants. Ainsi, SeeqPod.com, start-up de la banlieue de San Francisco, propose un moteur fonctionnant grâce à des algorithmes "bio-mimétiques", qui reproduisent le processus de recherche du cerveau humain par associations d'idées, bien plus puissants que la recherche par mot-clé.
Son concepteur et patron, Shekhar Lahda, résume son invention en une formule : "Si je tape le mot "ciel", SeeqPod va lui associer le mot "bleu". Ce principe est applicable à n'importe quel domaine. Pour le faire connaître très vite dans le monde entier, nous avons choisi la musique et les vidéos musicales." Après avoir retrouvé la séquence, SeeqPod la diffuse grâce à un lecteur vidéo qui s'affiche sur la page Web de l'utilisateur. Prochaine étape : la start-up va s'attaquer à tous les types de vidéos, notamment les reportages. En attendant, sa base de données contient déjà plus de 12 millions de liens vers des fichiers audio-vidéo, et en repère en moyenne un nouveau par seconde.Yves Eudes (San Francisco, envoyé spécial)